Gironde rive droite

Les dessous des argilo-calcaires de Blaye
Dans ce vignoble bordelais de la rive droite de la Gironde essentiellement dédié au merlot, les assemblages se diversifient et les exigences de qualité se font plus strictes.


Le paysage de collines de la rive droite de la Gironde contraste avec les douces courbes de la rive gauche médocaine. Ici, le calcaire constitue le long du fleuve une série de plateaux allant de 30 m d’altitude sur les buttes de la façade de l’estuaire jusqu’à 90 m plus à l’est.

Le Blayais a connu une histoire géologique tourmentée, il en résulte un paysage varié et un vignoble morcelé qui épouse les meilleurs versants, dômes et plateaux, entre bois, prairies et marais. Dans le cadre de l’étude de terroir réalisée par le géologue Pierre Becheler pour le syndicat des vins de Blaye, le scientifique a distingué six unités géomorphologiques.

Dans les collines basses du Pays de Saint-Ciers, la vigne est plantée sur des collines sablo-graveleuses et argileuses bien drainées. « Sur ces sols sablo-graveleux qui permettent une bonne alimentation hydrique des vignes, les vins blancs se distinguent par leur qualité et leur tension », estime le spécialiste des terroirs viticoles. Les collines argilo-calcaires de Blaye, bien drainées et très plantées, correspondent à des buttes de calcaire et d’argiles lacustres (calcaires de Plassac) et à des argiles lagunaires à ostrea.

SOIS PLUS OU MOINS DRAINÉS
Dans les hauts reliefs résiduels, les buttes de dépôts marno-calcaires, sablo-graveleux et sablo-argileux sont coiffées de niveaux calcaires et graveleux. Les vignes occupent les zones hautes et les versants bien drainés.

Dans les Landes de Haute Gironde, les sols sont sableux. Le drainage naturel est limité et la forêt étendue. Les quelques vignobles se trouvent sur les croupes. Le Cône fluviatile évidé du Bassin du Moron correspond à une dépression marquée par des buttes sablo-graveleuses. Cette zone est généralement assez mal drainée. Seuls les sols bruns et les sols carbonatés sont plantés en vigne. Les terres basses de la Gironde correspondent au marais, en bordure de l’estuaire.

Le vignoble de Monconseil Gazin compte trois entités distinctes en termes de sol, de topographie et d’exposition. « Le terroir de Plassac, particulièrement vallonné, présente des pentes marquées et bien drainées qui conviennent bien au malbec. Il représente d’ailleurs 10 à 15 % de l’encépagement dans la zone de Cars et Plassac, contre 5 % à l’échelle de l’appellation », raconte Jean-Michel Baudet (château Monconseil Gazin, Plassac). « Les sols sablo-graveleux et argilo-calcaires de Plassac sont toujours bien drainés sur les points hauts. La disponibilité en eau y est souvent faible et cela plaît au malbec qui, sous climat bordelais, nécessite une telle contrainte pour donner de bons résultats », précise Pierre Becheler.

PATRIMOINE VÉGÉTAL
Quand Corinne Chevrier-Loriaud (château Bel-Air La Royère, Cars) décrit ses parcelles, elle parle de sols bien sûr, mais aussi de matériel végétal. « Ces 4 ha de malbec et de merlot du Coudeau, situés sur le début du plateau calcaire de Cars, donnent un très beau vin. C’est là que se trouvent les vieilles vignes de 70 ans (malbec, merlot) que nous avons choisi de complanter », raconte-t-elle. Si cette zone donne des résultats réguliers d’une année à l’autre, les parcelles du lieu-dit Chartre donnent des vins dont la qualité dépend davantage du millésime. « Il s’agit de 2 ha de malbec et merlot exposés au nord, sur des sols très calcaires. Les années sèches, le résultat est excellent, mais les années humides, la maturation n’aboutit pas vraiment… », poursuit la vigneronne.

Le malbec est plus exigeant que le merlot, mais il apporte de la complexité aux assemblages. C’est pourquoi sa surface augmente ces dernières années pour atteindre près de 10 %.

Le malbec du château Labrousse se trouve sur le coteau sud de Peyrissoles qui domine la Gironde. « En haut du coteau, les vignes donnent un vin minéral et tendu. En bas, les terres sont plus riches et le vin est plus charnu », explique Jacques Chardat, qui s’occupe de plus de 100 ha de vignes au sein de l’appellation (châteaux Labrousse et Lacaussade Saint-Martin à Saint-Martin-Lacaussade, château Mayne Guyon à Cars et château Terre Blanque à Saint-Genès-de-Blaye).

À Saint-Paul, c’est dans son vin à l’Enfer que Pascal Montaut (château Les Jonqueyres) met le malbec à l’honneur. Un assemblage mi-malbec mi-merlot issu de vignes de 1947. « Le malbec m’apporte la violette, les épices, une belle couleur, résume le vigneron. Sur la butte de Saint-Paul, aux terres argilo-sableuses sur calcaire, les vins sont assez légers et fruités. À Saint-Martin-Lacaussade, sur des terres plus argileuses, les vignes sont plus précoces, les vins plus puissants et riches. »

DIFFICILE CABERNET-SAUVIGNON
Plus à l’est dans l’appellation, les cépages blancs sont davantage plantés. Ainsi, le vignoble des Graves d’Ardonneau (Saint-Mariens) compte 15 ha de cépages blancs sur 60 ha de vignes. « La zone de Saint-Mariens convient bien aux blancs car les sols sablo-graveleux sur sous-sol marno-calcaire, même s’ils n’ont qu’une assez faible capacité de stockage en eau, rendent cette eau facilement disponible pour la vigne, précise Pierre Becheler. L’alimentation est régulière. Mais si les cépages blancs y trouvent bien leur place, les cépages noirs peuvent pâtir d’un excès d’eau certaines années. »

Il est donc primordial d’analyser les variations de sol et les pentes pour positionner les cépages noirs. « Le meilleur vin rouge du domaine vient de cette parcelle Le Pied de Chêne, souligne Laurent Rey (domaine des Graves d’Ardonneau). Il s’agit d’une parcelle de merlot située sur une croupe de graves exposée au sud-ouest, à 98 m d’altitude. La pente permet un bon drainage et le sous-sol argilo-graveleux une bonne alimentation hydrique des vignes. Les rendements sont naturellement équilibrés. La zone de mi-coteau est plus sableuse, les merlots y donnent des résultats qui me plaisent moins. »

Parmi les cépages noirs, le cabernet-sauvignon est sans doute le plus difficile à positionner. « Ce cépage s’adapte bien aux sols graveleux, peu épais, à réchauffement précoce comme ceux du canton de Saint-Savin. Dans ces sols à réserve hydrique faible mais assez bien régulée, il peut atteindre une maturité aboutie. Les arrachages de ces dernières années permettent de relocaliser le cabernet-sauvignon mal planté dans les années 1980 », explique Alice Riffard, responsable technique du Syndicat des vins de Blaye.

Au-delà de l’optimisation du couple terroir/cépage, une autre transformation est en cours : l’augmentation de la densité de plantation pour allier rendement cohérent et qualité. Une densité traditionnellement basse comme dans toutes les zones de polyculture. Autant de travaux qui n’ont qu’un seul but : mettre en avant le potentiel du terroir de Blaye au travers de vins toujours plus réussis.

TOUT SUR LES APPELLATIONS DE BLAYE

LES PROFILS
1938 : AOC Premières Côtes de Blaye Rouge, Premières Côtes de Blaye Blanc et Blaye Rouge.
2008 : les Premières Côtes de Blaye deviennent Blaye Côtes de Bordeaux.

L’appellation regroupe trois cantons :
Blaye, Saint-Ciers-sur-Gironde et Saint-Savin.
Surface : 6 500 hectares.
Densité de plantation minimum : 4 500 pieds/ha (6 000 pour l’AOC Blaye).
Rendements maximum : 52 à 65 hl/ha pour les vins rouges (48 à 60 pour l’AOC Blaye), 62 à 72 pour les blancs.

LES SOLS
Blaye présente une très forte complexité géologique à l’origine de plus de cinquante unités de sols. On distingue trois grands pôles géopédologiques :

  • Au nord : les terrains fluviatiles des collines basses de la région de Saint-Ciers, constitués de sables, de graviers et d’argiles
  • À l’ouest : les collines calcaires de Blaye, des calcaires, des marnes, des argiles, parfois couronnées de graviers comme à Plassac et Berson
  • À l’est : l’axe haut de Saint-Savin à Cavignac avec des calcaires et argiles, surmontés de graviers, cernés par des formations colluviales, sableuses, plus ou moins lessivées et souvent hydromorphes.

LES CÉPAGES DE LA RÉGION
Le merlot domine avec 70 % des cépages noirs, suivi du cabernet-sauvignon (20 %), du malbec et de façon plus anecdotique du cabernet franc et du petit verdot. En blanc, on trouve 90 % de sauvignon, avec du sémillon, du sauvignon gris et de la muscadelle. Colombard et ugni blanc, autrefois majoritaires, sont en voie de disparition. La tendance actuelle laisse davantage de place au malbec, au petit verdot et au cabernet franc. D’autres cépages, comme le castet, sont en test.

Sources : Sophie de Salettes / www.larvf.com

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